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L’intention du déposant au cœur de la mauvaise foi : de CeramTec à Testarossa

  • Photo du rédacteur: Marie-Avril Roux Steinkühler
    Marie-Avril Roux Steinkühler
  • il y a 2 jours
  • 3 min de lecture
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Deux décisions récentes de la CJUE, 19 juin 2025, CeramTec (C-17/24) et BGH, 11 septembre 2025, Testarossa marquent un tournant majeur dans la compréhension européenne de la mauvaise foi en matière de marque. Elles s’inscrivent dans un courant amorcé depuis Lindt (CJUE, 11 juin 2009), poursuivi par Koton (CJUE, 12 sept. 2019) et Sky (CJUE, 29 janv. 2020).

⚖️ L’arrêt CeramTec (CJUE, 19 juin 2025) érige la mauvaise foi en motif autonome et général de nullité, détaché des causes objectives prévues à l’article 7 du règlement. Il affirme que l’intention du déposant, et non la seule nature du signe, détermine la licéité du dépôt.

⚖️ L’arrêt Testarossa (BGH, 11 septembre 2025) en précise la finalité et la méthode, en exigeant la preuve d’une intention de nuire ou d’une instrumentalisation du droit des marques à des fins étrangères à sa fonction essentielle d’indication d’origine.

 

🔹L’apport de l’arrêt CeramTec

1️⃣L’articulation clarifiée des motifs de nullité

La CJUE devait préciser la relation entre :

  • la nullité objective, fondée sur les caractéristiques du signe (art. 52 §1 a et art. 7 §1 e) ii) du règlement 207/2009),

  • et la nullité subjective, liée à la mauvaise foi du déposant (art. 52 §1 b).

Alors que la Cour d’appel de Paris voyait ces motifs comme autonomes mais exclusifs, pour éviter que la mauvaise foi ne pallie l’absence de preuve d’un motif technique, les juridictions allemandes admettaient une lecture cumulative.

⚖️ La CJUE a alors tranché en retenant que les deux motifs sont autonomes mais non exclusifs. ➡️ Le juge peut fonder la nullité sur l’un ou l’autre, voire sur les deux cumulativement. Cette autonomie consacre la mauvaise foi comme motif de nullité à part entière, affranchi des conditions de l’article 7.

2️⃣ L’intention comme critère central

La Cour franchit un pas décisif : même si le signe n’a pas d’effet technique, la mauvaise foi est caractérisée si le déposant croyait protéger une solution technique expirée.Ce qui compte n’est pas la nature du signe, mais le dessein de contourner la finalité du droit des marques.

La mauvaise fois s’apprécie au jour du dépôt, à la lumière d’indices objectifs : usage antérieur, logique économique, chronologie des événements.

📌 Cette évolution a deux effets :

  • elle dématérialise la mauvaise foi : une intention suffit, même sans effet concret ;

  • elle universalise le motif : toute stratégie dépourvue de finalité légitime peut être requalifiée.

🔹L’apport de l’arrêt Testarossa

1️⃣ L’approche allemande : prolongement de CeramTec

Le Bundesgerichtshof (BGH), saisi dans l’affaire Testarossa, reprend les principes posés par la CJUE :

  • la mauvaise foi est subjective, appréciée au moment du dépôt,

  • déterminée à partir d’indices objectifs,

  • et interprétée à la lumière des usages honnêtes du commerce.

Mais le BGH va plus loin en structurant l’analyse et formalisant la preuve.

2️⃣ Deux formes de mauvaise foi

Le BGH distingue :

🔸 la mauvaise foi relationnelle : dépôt visant à bloquer ou parasiter un tiers (exemple ; marque identique à un signe notoire) ;

🔸 la mauvaise foi structurelle : dépôt sans logique économique légitime, purement défensif ou spéculatif.

La mauvaise foi se définit donc par une intention de nuire, ou la volonté d’obtenir un droit exclusif étranger à la fonction de la marque (indication d’origine). 

3️⃣ Un régime probatoire équilibré

Le BGH instaure un mécanisme en deux temps :

  • le demandeur à la nullité doit fournir des indices objectifs et concordants ;

  • une fois cette présomption établie, le titulaire doit justifier la logique économique de son dépôt.

Cette approche transpose CeramTec dans le droit allemand (MarkenG § 8 Abs. 2 Nr. 14, 50 Abs. 1) tout en assurant un équilibre entre rigueur et sécurité juridique.

 

La distinction entre :

🇫🇷 une lecture française, plus formelle, centrée sur le signe, et 🇩🇪 une lecture allemande, plus subjective, axée sur la finalité du dépôt,tend désormais à s’effacer.

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