L’auteur d’un ouvrage relatant l’histoire de Tetris vient de porter plainte contre différentes sociétés, dont Apple et Tetris, pour violation de droit d’auteur suite à la sortie d’un film racontant aussi la genèse du jeu vidéo soviétique. Quelles en sont les interprétations juridiques ? Le cabinet MARS-IP vous informe !
Avec plus ou moins de succès, nous avons tous essayé, derrière nos écrans d’empiler les blocs pour créer des lignes, au son lancinant de la mélodie russe traditionnelle Korobuschka ; tel est le principe du jeu vidéo Tetris, dont la création est racontée dans le film éponyme réalisé par Jon S. Baird, sorti le 15 mars 2023 sur la plateforme Apple TV+.
Or, une voix s’élève contre cette œuvre cinématographique : le journaliste américain Dan Ackerman a déposé plainte en août 2023 contre le scénariste du film, Noah Pink, mais également contre les sociétés de production, ainsi qu’Apple et Tetris, pour concurrence déloyale et violation de son droit d’auteur (« unfair competition » ; « copyright infringement »). En effet, M. Ackerman allègue dans sa plainte devant la United States District Court for the Southern District of New York que le film constituerait une adaptation non autorisée de son propre ouvrage, «The Tetris Effect: The Game that Hypnotized the World ». D’ores et déjà, il importe de souligner que le film comme le livre sont basés sur des faits réels, à savoir la création du jeu Tetris dans les années 1980 par l’ingénieur russe Alexei Pajitnov, sous fond de guerre froide et de bataille d’intérêts entre les deux blocs.
Comment cette affaire serait-elle interprétée au regard du droit de la propriété intellectuelle français et allemand ?
En droit français, l’article L.112-3 du Code de la propriété intellectuelle précise que « les auteurs de traductions, d'adaptations, transformations ou arrangements des œuvres de l'esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l'auteur de l'œuvre originale ». Une adaptation d’une œuvre originale doit donc demander l’accord de son auteur, comme prévu par l’article L. 22-4 (« Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque »). Mais ici, le seul argument de la reprise des faits historiques ne suffit pas à qualifier la violation du droit d’auteur : c’est bel et bien la reprise, dans l’œuvre dérivée, des éléments caractérisant l’originalité de l’œuvre d’origine, qui en est le symbole. Ce qui peut être protégé par le droit d’auteur, c’est la manière dont Ackemann a agencé les faits : si celle-ci est reprise dans l’œuvre dérivée, alors la violation est caractérisée. La seule reprise des faits historiques connus de tous ne justifie pas une telle atteinte.
Les mêmes principes sont applicables en Allemagne, mais la condamnation du film risquerait certainement d’être plus difficile. En effet, l’article 23 de la Loi sur le droit d’auteur et droits voisins (« Urheberrechtsgesetz ») dispose que « les arrangements ou autres transformations d'une œuvre, y compris notamment d'une mélodie, ne peuvent être publiés ou exploités qu'avec l'autorisation de l'auteur. Si l'œuvre nouvellement créée conserve une distance suffisante par rapport à l'œuvre utilisée, il n'y a pas d'arrangement ou de transformation au sens de la première phrase. » (Voir https://www.village-justice.com/articles/les-regles-art-proces-allemand-droit-auteur,47618.html )
Seule la suite donnée à la plainte nous donnera à voir si les tribunaux interprèteront de la même manière le « copyright infringement » invoqué.
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Crédit photo : Teyssier Gwenaelle sur Pixabay
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