Droit d'auteur allemand et parasitisme français : l'affaire Mamarella c/ Cache Coeur
- Marie-Avril Roux Steinkühler

- 12 sept.
- 2 min de lecture

⚖️ Affaire Mamarella c/ Cache Cœur : quand les juges français combinent droits allemand et français. Même sans contrefaçon au regard du droit allemand, ils recourent au parasitisme, propre au droit français, pour condamner.
L’arrêt du 29 avril 2025 de la Cour d’appel de Rennes, opposant les sociétés de lingerie française Cache Cœur et allemande Mamarella GmbH, illustre la complexité du contentieux transfrontalier de la propriété intellectuelle.
👉 Contexte
La société Cache Cœur reprochait à son ancienne cliente et revendeuse allemande des actes de contrefaçon de modèles de sous-vêtements via son site internet accessible en France, et subsidiairement, des faits de concurrence déloyale par confusion et parasitisme.
Le TJ de Rennes avait alors retenu la contrefaçon des droits d’auteur de Cache Cœur et appliqué le droit français. Mamarella avait été condamnée à verser 28 000 € de dommages et intérêts, à cesser la vente des produits et à procéder à leur retrait et destruction. Elle interjetait appel.
🏛️ Compétence
La Cour d’appel de Rennes se reconnaît compétente en vertu de l'article 7 2° du règlement Bruxelles I bis car le préjudice a été subi en France par Cache Coeur. Elle rappelle que les juridictions françaises ne sont compétentes que pour des faits dont les effets se produisent en France et ne peuvent prononcer de mesures extraterritoriales telles que l’interdiction de commercialiser les produits litigieux dans un autre pays.
✒️ Droit applicable
🇩🇪 En matière de droit d’auteur, la Cour juge que le droit allemand serait applicable en vertu de l’article 8.1 du règlement Rome II, car c’est « l’Etat sur le territoire duquel se sont produits les agissements litigieux ». Nous estimons que ce raisonnement est discutable, mais tel n’est pas le sujet ici.
Or, manque de pot, le droit allemand a du mal à protéger les objets utilitaires. Selon le §2 UrhG et la jurisprudence récente du BGH (Sandales Birkenstock, 20.02.2025, cf. notre article https://www.mars-ip.eu/post/les-birkenstock-plus-que-de-simples-sandales-fonctionnelles-des-oeuvres), seuls les objets faisant montre d’une « prestation artistique individualisée » peuvent être protégés.
➡️ En l'espèce, la forme des modèles de lingerie est justifiée par des considérations techniques et de confort, sans véritable dimension artistique.
🛑 Donc pas de protection par le droit d’auteur allemand ni de contrefaçon.
🇫🇷 Au sujet de la concurrence déloyale, la loi applicable est celle du lieu du dommage subi, la Cour applique donc le droit français.
✅ Pas de concurrence déloyale par confusion, malgré les similitudes : le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif ne risquait pas d’assimiler les produits litigieux à ceux de Cache Cœur.
⚠️ Mais parasitisme économique avéré : Mamarella s’est placée dans le sillage de Cache Cœur et a tiré profit de ses efforts de conception et d’investissement. Ce fondement juridique n’existe pas en droit allemand, mais permet en l’espèce à la cour de condamner la défenderesse.
Les deux droits se complètent donc utilement !
Référence de l'arrêt : CA Rennes, 3e ch. Com., 29 avril 2025, n°23/03805 (https://www.courdecassation.fr/decision/6811b1d1f1c2315e26d1a0c6)
Image : design créé sur Canva


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