top of page
  • Photo du rédacteurMarie-Avril Roux Steinkühler

🇫🇷 - La mention du nom du photographe sur les sites Internet, motif d’incertitude

« L’auteur jouit du droit au respect de son nom » (article L121-1 du Code de la propriété intellectuelle). En matière de photographies, cela signifie que le nom du photographe doit figurer à côté de la photographie dont il est l’auteur.


Nikon and Canon cameras
© Rosalind Chang

Les sites internet imaginent des solutions inventives (1.), qui ne sont pas toujours au goût des juges (2.).


1. Des solutions inventives certes, mais qui peinent à définir la notion de proximité entre le nom et la photographie


Les signatures dites « groupées », qui font figurer à la fin d’un livre ou sur une page internet tous les noms des photographes représentés sur le site ne permettent pas d’identifier l’auteur avec certitude et, de ce fait, ne sont pas admises [1]. Le nom de l’auteur de chacune des photographies présentes sur le site Internet doit être noté de manière intelligible et accessible à tout utilisateur et placé dans le « voisinage immédiat » de la photographie.


1.1 Les mentions type validées par la jurisprudence


a. La mention du nom apposée directement sous la photographie concernée


La solution qui consiste à mentionner le nom du photographe directement sous la photographie répond à priori de façon simple aux exigences légales et jurisprudentielles, à condition que le nom soit intelligible, c’est-à-dire qu’il ne figure pas en caractères trop petits.


Lorsque les photographies proviennent d’une agence, le nom du photographe auteur de la photographie doit être mentionné, même si celui de l’agence figure déjà (Tribunal de grande instance de Paris, 26 juin 1985).


Il est recommandé de mentionner en tout état de cause le nom du gestionnaire de droits, c’est-à-dire de l’agence à laquelle est rattaché le photographe. Cette mention doit néanmoins être distincte de celle du nom du photographe.


b. L’utilisation d’infobulles


Il est également possible de faire figurer le nom du photographe en bas de chaque page web où est représentée ladite photographie – à une distance raisonnable, nous y reviendrons -, ou de recourir au mécanisme de l’infobulle qui a été jugé suffisant à de plusieurs reprises par la jurisprudence [2].


En application de cette technique, le nom de l’auteur apparaît dans un encadré s’affichant lorsque l’internaute passe la souris sur la photographie affichée à l’écran.


Cette solution n’est cependant pas parfaite car le nom du photographe n’apparait que lorsque le curseur de la souris la survole, si bien que l’internaute peut pratiquement consulter la page web correspondante sans être informé à aucun moment de l’identité du photographe. Cette solution plus récente encouragée par la jurisprudence ne nous paraît pas à l’abri d’un revirement jurisprudentiel.


1.2. Les difficultés liées à l’absence de définition du critère de proximité


Compte tenu de l’absence évidente de définition précise de la notion de « voisinage immédiat », bon nombre de solutions envisagées par les titulaires de site Internet sont incertaines.

L’apposition du nom de l’auteur au bas d’une page web a été acceptée, comme l’avait auparavant été la mention du nom à la fin d’un catalogue [3].


En revanche, rien ne permet d’affirmer aujourd’hui qu’un nom de photographe placé par exemple dans les mentions légales est bien situé dans un « voisinage [suffisamment] immédiat ». Chaque page web étant présumée autonome, le respect de cette condition de proximité entre la photographie et la mention du nom du photographe pourrait ne pas être respectée.


2. Les sanctions encourues en cas de non-respect du droit au nom du photographe


Il est de jurisprudence constante que l’omission du nom de l’auteur sur des reproductions de ses œuvres même diffusées en nombre restreint cause au créateur un préjudice qui doit être réparé [4].


En cas de litige relatif à la violation du droit de paternité, le photographe dispose de deux voies de recours :


- Soit il décide de saisir le juge civil en assignant l’auteur de la violation devant le Tribunal de grande instance. La violation si elle est confirmée donne généralement lieu à :


  • l’interdiction de poursuite l’exploitation de la ou les photographies concernées dans un délai d’en moyenne trois mois (ce qui implique la suppression dans la base documentaire ainsi que sur le site Internet de l’auteur de la violation l'ensemble des photographies objet de la violation), éventuellement assortie d’une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement ;

  • l’octroi de dommages et intérêts : le préjudice est généralement chiffré en tenant notamment compte du nombre de photographies concernées, du nombre de personnes susceptibles de les avoir consultées (nombre de connexions au site) et de la durée de ladite violation (5.000€ ont pu être allouées dans un cas où 123 photographies figuraient sans nom du photographe) ;

  • la condamnation de l’auteur de la violation au paiement des frais de procédure au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et des dépens, soit en général entre 2.000 et 6.000€ pour ce genre d’affaires.

- Soit il saisit le juge pénal. Cette hypothèse, si elle doit être citée, implique l’existence d’un élément intentionnel, qui serait certainement exclu en cas de mention effective du nom du photographe sur le site mais placée au mauvais endroit. En application de l’article L.335-2 CPI, la violation, si elle est confirmée, pourrait donner lieu à :

  • des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à 3 ans d'emprisonnement,

  • jusqu’à 300 000 euros d'amende et, le cas échéant,

  • à la confiscation des recettes procurées par ladite violation du droit de paternité du photographe.

En conclusion et quel que soit le type de mention choisi, la matière est évolutive et mérite d’être suivie de près.


[1] Voir notamment en ce sens Paris, 18 février 1988 – Cahiers du droit d’auteur, mai 1988, p. 23.

[2] Voir notamment TGI de Paris, 6 juin 2008 et Paris 26 septembre 2007.

[3] Voir notamment Versailles, 28 avril 1988.

[4] Voir notamment Civ. 1ère du 3 avril 2007.


Auteures : Marie-Avril Roux & Marion-Béatrice Venencie-Nolte

bottom of page