Marie-Avril Roux SteinkĂŒhler
đ«đ· - #5 ProcĂ©dure dâopposition - les grands changements

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La transposition de la directive sur les marques a entraĂźnĂ© des changements importants dans les procĂ©dures dâopposition en France et en Allemagne.
Selon lâarticle 43.1 de la directive les Ătats membres prĂ©voient une procĂ©dure administrative rapide et efficace permettant de sâopposer, devant leurs offices, Ă lâenregistrement dâune marque, il est donc question de rendre la procĂ©dure dâopposition plus simple et plus efficace et dâencourager les parties Ă parvenir Ă un accord amiable.
Les nouveaux droits antĂ©rieurs opposables dans une mĂȘme procĂ©dure
Lâune des nouveautĂ©s les plus importantes du droit allemand et français des marques est quâil est dĂ©sormais possible dâinvoquer plusieurs droits antĂ©rieurs dans le cadre dâune seule opposition - comme le prĂ©voit lâarticle 43.2 de la directive, sous rĂ©serve que ces derniers aient le mĂȘme titulaire.
En France, lâarticle L. 712-4 du Code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle prĂ©voit la liste exhaustive des droits antĂ©rieurs qui peuvent ĂȘtre invoquĂ©s au fondement dâune procĂ©dure dâopposition. La nouveautĂ© est dans lâintroduction de la marque de renommĂ©e, la dĂ©nomination ou raison sociale, le nom commercial, lâenseigne, le nom de domaine, les indications gĂ©ographiques, le nom dâune entitĂ© publique et le nom, lâimage ou la renommĂ©e dâune collectivitĂ© territoriale ou dâun Ă©tablissement public de coopĂ©ration intercommunale. Une condition supplĂ©mentaire est ajoutĂ©e en droit français et exige logiquement que le droit antĂ©rieur invoquĂ© produise ses effets en France (ce que le droit allemand prĂ©voyait dĂ©jà § 13 (1) MarkenG).
En Allemagne Ă©galement, la liste des droits antĂ©rieurs prĂ©vue Ă lâarticle 42 de la loi allemande sur les marques a Ă©tĂ© Ă©tendue dans le cadre des procĂ©dures dâopposition pour inclure les appellations dâorigine et les indications gĂ©ographiques protĂ©gĂ©es. Le droit allemand prĂ©voyait dĂ©jĂ certains fondements comme la dĂ©nomination commerciale avant la rĂ©forme, pourtant, au contraire de la France, lâAllemagne sâest contentĂ©e pour la procĂ©dure dâopposition, dâune transposition Ă minima des dispositions de la directive.
LâĂ©largissement de la liste des personnes susceptibles dâintroduire une opposition
Classiquement, lâopposition est formĂ©e par le titulaire du droit antĂ©rieur, lequel peut ĂȘtre reprĂ©sentĂ© par un mandataire habilitĂ© ou un avocat, mais la rĂ©forme du droit des marques en France et en Allemagne a Ă©largi les possibilitĂ©s dâaction.
En Allemagne, lâarticle 42 de la loi allemande sur les marques (MarkenG) prĂ©voit dĂ©sormais que les personnes habilitĂ©es Ă invoquer des droits confĂ©rĂ©s par une appellation dâorigine protĂ©gĂ©e ou une indication gĂ©ographique protĂ©gĂ©e ayant une anciennetĂ© antĂ©rieure peuvent introduire une opposition.
En France, le paquet marque introduit un nouvel article L. 712-4-1 du Code de propriété intellectuelle précisant la liste des personnes habilitées à introduire une opposition. Cette liste comprend ainsi les titulaires ou personnels habilités des droits antérieurs cités précédemment incluant les indications géographiques, comme en Allemagne, mais ajoutant le titulaire de la marque déposée sans son autorisation au nom de son agent ou de son représentant.
Bien que les deux régimes français et allemands soient trÚs comparables, il est notable que le droit allemand est bien moins détaillé sur le sujet que le code français.
Une procĂ©dure moins chĂšre en Allemagne quâen France
En France, bien que la redevance pour une procĂ©dure dâopposition reste de 400,00 âŹ, la nouvelle possibilitĂ© dâinvoquer des droits antĂ©rieurs supplĂ©mentaire contre le paiement dâune redevance complĂ©mentaire de 150,00 ⏠par droit supplĂ©mentaire invoquĂ© simplifie la procĂ©dure et rĂ©duit les coĂ»ts lĂ oĂč plusieurs procĂ©dures Ă©taient nĂ©cessaires auparavant. Une seule suffit dĂ©sormais.
En Allemagne, le coĂ»t de la demande a Ă©tĂ© augmentĂ© pour faire face Ă lâexigence accrue de cette procĂ©dure mais avec 250,00 ⏠de redevance de base et un complĂ©ment de 50,00 ⏠par droit antĂ©rieur supplĂ©mentaire invoquĂ©, il reste bien moins important quâen France ou pour une marque europĂ©enne.
Les redevances dâopposition sont donc moins importante en Allemagne quâen France, Ă la diffĂ©rence des frais dâenregistrement (voir notre article #3 sur lâenregistrement dâune marque).
La simplification du mode de décision en France
En France, la procĂ©dure dâopposition nâest plus enfermĂ©e dans un dĂ©lai fixe de 6 mois et les projets de dĂ©cision ont Ă©tĂ© abandonnĂ©s (lâINPI avait lâhabitude de proposer un projet de dĂ©cision aux parties qui, en lâabsence de contestation, devenait dĂ©finitif). DĂ©sormais, la procĂ©dure dâopposition en France commence par une phase dâinstruction contradictoire Ă lâissue de laquelle lâINPI statue sur la demande dâopposition et la demande dâenregistrement dans un dĂ©lai de trois mois. Le dĂ©faut de dĂ©cision de lâINPI dans ce dĂ©lais vaut rejet de la demande dâopposition.
Les dĂ©lais de procĂ©dure et lâintroduction de la cooling-off period issue du droit europĂ©en
En France, le dĂ©lai pour former opposition est toujours de deux mois suivant la publication de la demande de marque, cependant, lâarticle R. 712-14 de code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle prĂ©voit un dĂ©lai supplĂ©mentaire dâun mois suivant lâexpiration de ce dĂ©lai pour prĂ©senter lâexposĂ© des moyens au soutien de lâopposition. Ce dĂ©lai est donc allongĂ©e Ă trois mois, Ă lâinstar du systĂšme allemand et europĂ©en.
Lâintroduction dâune pĂ©riode obligatoire de rĂ©flexion âcooling-offâ par lâarticle 43.3 de la directive nâest pas une nouveautĂ© en France oĂč le code prĂ©voyait dĂ©jĂ la possibilitĂ© pour les parties de solliciter conjointement la suspension de la procĂ©dure pour une pĂ©riode de six mois. Il est dĂ©sormais possible aux parties de suspendre la procĂ©dure sur demande conjointe des parties pendant une durĂ©e de 4 mois renouvelable deux fois (article R. 712-17 CPI). En Allemagne la procĂ©dure peut ĂȘtre suspendue pour deux mois, ce dĂ©lai peut ĂȘtre prolongĂ© Ă nouveau par une demande conjointe des parties (§42 (4) MarkenG). En droit europĂ©en des marques, le dĂ©lai de rĂ©flexion a dĂ©jĂ fait ses preuves, les parties parvenant souvent Ă une solution Ă lâamiable par le biais dâun accord de coexistence.