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Photo du rédacteurMarie-Avril Roux Steinkühler

🇫🇷 Plagiat à la Sorbonne

Dernière mise à jour : 25 juin 2020


Un professeur, siégeant au Conseil National des Universités, qui communique officieusement à un collègue de la Sorbonne un mémoire d’habilitation non publié sorti d’un dossier confidentiel.

Le collègue en question qui reprend des passages sans toujours citer son auteure dans un nouveau livre publié sous son nom.

Qui se défend de la contrefaçon en prétextant la violation de la liberté de la recherche.

Un rapport du délégué à l’intégrité scientifique de la Sorbonne Université qui conclut à l’absence de plagiat par le collègue devenu entre-temps professeur à la Faculté de lettres.

Telle n’est pas l’opinion de la Cour de cassation, qui, comme avant elle la Cour d’appel et le TGI de Paris conclut à la contrefaçon et à la violation du droit de divulgation de la chercheuse (Civ. 1. 20 mai 2020).

Par son arrêt du 20 mai 2020, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé par un professeur de la Sorbonne contre un arrêt de la cour d'appel de Paris (27.03.2018) le condamnant pour divulgation non autorisée d’un travail académique inédit et pour des reprises contrefaisantes de ce même inédit. La cour estime que les moyens de cassation « invoqués à l'encontre de la décision attaquée ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. » et ne nécessitent pas davantage une motivation de sa décision, tant l’arrêt d’appel était bien jugé, comme avant lui le jugement de première instance.

La Cour de Cassation confirme ainsi la violation du droit de divulgation de la chercheuse, qui n’avait pas encore souhaité publier son travail. Ni la soutenance publique dont il avait fait l’objet, ni sa communication sous forme de manuscrit dans des dossiers de candidature à l’Université, ni les conférences qui en évoquaient le contenu ne peuvent être « retenues comme constitutives de divulgation ». L’œuvre n’ayant pas été divulguée, le demandeur ne peut la reprendre en « se prévalant de l’exception d’analyse ou de courte citation », car « … la reprise même très partielle du mémoire de Mme Durand ou la citation de ce mémoire et du nom de son auteure en notes de bas de page dans l’ouvrage [incriminé] constituent une violation du droit de divulgation dont bénéficie l’auteur, qui seul peut choisir l’opportunité, le moment et les modalités de la publication de son œuvre ».

L’arrêt confirme également le caractère protégeable de l’œuvre première et suit le Tribunal et la Cour d’appel dans leur analyse des passages repris « sans nécessité », sans citer son nom et donc de la contrefaçon.


Enfin, l’arrêt rejette la demande de contrôle de proportionnalité des droits en balance. Se référant à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le demandeur avait argumenté que « la mise en œuvre du droit d’auteur » qui avait conduit à sa condamnation portait atteinte à sa liberté d’expression et de recherche : selon la Cour de cassation, la mise en œuvre du droit d’auteur « ne portait pas une atteinte disproportionnée aux principes de liberté d’expression et de libre recherche scientifique ».

Par bien des aspects, les différents arrêts qui ont jalonné cette affaire opposant deux chercheurs (TGI Paris, 12 mai 2016, Cour d’appel de Paris, 27.03.2018, Cour de Cassation, 20 mai 2020) ont vocation à faire jurisprudence. La communauté académique en retiendra surtout que les manuscrits inédits qui circulent au gré des candidatures et des appels à projets ne sont pas « divulgués » au sens du Code de la propriété intellectuelle. On ne peut donc pas les citer – et encore moins les « reprendre » sans donner sa source – sans l’aval de leur auteur, qui « seul, peut choisir l’opportunité, le moment et les modalités de la publication de son œuvre ».






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