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  • Photo du rédacteurMarie-Avril Roux Steinkühler

🇫🇷 - Un professeur de littérature de la Sorbonne condamné à nouveau en appel pour contrefaçon

Dernière mise à jour : 25 juin 2020

Certes, rien a priori de condamnable dans le fait que deux chercheurs s’intéressent au même sujet, étudient les mêmes œuvres du dix-huitième siècle dont ils commentent les mêmes passages, utilisent des termes similaires ou identiques jugés comme « banals » ou « relevant du fond commun » en sciences humaines, fassent les mêmes rapprochements, utilisent les mêmes idées.


Cour d'appel de Paris
Cour d’appel de Paris © Marie-Avril Roux

Mais, considère la Cour d’appel de Paris comme le Tribunal avant elle, quand, dans neuf des passages considérés, les termes, la construction de la phrase, la ponctuation même deviennent « très similaires » ou « identiques » « sans nécessité », il y a contrefaçon. Surtout si la plupart des emprunts ne faisaient de surcroît pas référence à leur source, le mémoire d’habilitation de Béatrice Durand écrit et soutenu antérieurement en 2003 à la Martin Luther-Universität de Halle en Allemagne, et si ce travail antérieur était encore inédit, publié sous une forme plus développée seulement en 2017 sous le titre « Sauvages expérimentaux » (Hermann).


Les appelants avaient eu beau arguer du fait que le contenu de l’ouvrage avait été communiqué de diverses manières à la communauté scientifique : soutenance publique d’un travail académique, conférences ou communication du mémoire à des commissions de qualification ou de recrutement (c’est d’ailleurs au moment où Béatrice Durand avait soumis son mémoire à la commission compétente du CNU, Conseil National des Universités, dans son dossier de candidature à la qualification aux fonctions de professeur que le professeur Martin en avait eu connaissance), la Cour d’Appel confirme que « le mémoire de Mme Durand n’avait pas fait l’objet de divulgation dès lors que son auteur avait choisi de ne pas le faire publier dans sa version initiale, telle que présentée aux instances universitaires allemande et française ».


Et de se fonder sur les témoignages d’universitaires produits par les deux parties qui « font état de l’obligation de confidentialité à laquelle sont soumis les membres des commissions de qualification ou de recrutement ». En application de l’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur […] est illicite », la Cour d’appel rappelle que « l’auteur […] seul peut choisir l’opportunité, le moment et les modalités de la publication de son œuvre » et condamne Monsieur Martin et son éditeur d’avoir violé ce droit.


En vain l’invocation par le professeur de la Sorbonne de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, du principe de liberté d’expression et de celui de la recherche scientifique. La cour estime qu’aucun intérêt scientifique ne peut justifier de telles reprises illicites sans citation de l’auteure antérieure.


Différentes condamnations pécuniaires sont prononcées, outre l’obligation sous astreinte d’annexer aux ouvrages litigieux déjà édités ou en cas de réédition une note avertissant le lecteur de ce que les neuf « passages indiqués sont des citations du mémoire de Madame Durand intitulé L’origine au laboratoire de la fiction, histoire et fonction d’isolement enfantin dans l’élaboration des concepts de nature et de culture soutenue en 2003 à l’Université Marin-Luther-Universität de Halle-Wittenberg.


La recherche n’est pas un monde parallèle, elle est soumise au respect du droit des auteurs.


Cour d’appel de Paris, pôle 5 – chambre 1, arrêt du 27 mars 2018, RG n°16/14338

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