En Allemagne, la directive européenne 2015/2436 sur les marques a été transposée par la loi de modernisation du droit des marques (Markenrechtsmoderniesierungsgesetz, MaMoG). Celle-ci est entrée en vigueur le 14 janvier 2019 et les dernières mesures s’appliquent depuis le 1er mai 2020. La réforme a modernisé les modalités de représentation de la marque, introduit la marque de certification, mis en place de nouvelles procédures administratives et implémenté de nouvelles règles relatives aux marchandises sous surveillance douanière.
La représentation de la marque dans le registre national. Conformément à la directive, l’Allemagne a retiré l’exigence de représentation graphique de la loi sur les marques (MarkenG) et ainsi élargit les possibilités de représentation sur le registre national. Les sons (Klänge) sont par exemple ajoutés à la liste des signes protégeables.[1] Mais alors comment représenter un son au journal officiel des marques ? Le signe protégé doit être en effet représenté de manière claire, précise, distincte, facilement accessible, intelligible, durable et objective. L’Allemagne a choisi la solution du QR Code qui renvoit directement au registre numérique et la France a opté pour l’empreinte numérique SHA256. Une même marque internationale désignant les deux pays serait donc référencée différemment sur les registres nationaux des marques :
En France | En Allemagne |
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La marque de certification. La MaMoG introduit ce type de marque qui n’existait pas auparavant en Allemagne. Elle peut être enregistrée en tant que telle lors du dépôt par toute personne physique ou morale, à condition que son activité n’implique pas la fourniture des produits ou services certifiés.[2] Dans la marge de manœuvre laissée par la directive, la loi allemande prévoit, comme en France, un contrôle spécifique des marques de certification afin de vérifier s’il existe un risque que le public soit induit en erreur sur le caractère ou la signification de la marque, en particulier si cette marque peut donner l’impression qu’elle est autre chose qu’une marque de certification. Cette mention se veut protectrice de la fine frontière entre les marques de certification et les marques collectives. Les conditions de déchéance sont également élargies pour les marques de certification lorsque l’usage qui en est fait après son enregistrement peut prêter à confusion pour le public. Le contrôle est ainsi a priori et a posteriori de l’enregistrement.
Le dépôt « trois classes » est maintenu en Allemagne. Tandis que la France est passée au dépôt monoclasse, le dépôt de base jusqu’à trois classes demeure outre Rhin pour une redevance de 290,00 €. Lors d’une demande de marque, le DPMA procède à l’examen formel de la demande et procède ensuite directement à l’enregistrement. Ce n’est qu’ensuite, après l’enregistrement, que démarre la période d’opposition inchangée de 3 mois. La durée de protection d’une marque enregistrée est désormais harmonisée quant à la date de départ de la protection, soit à compter de la date de dépôt de la demande, renouvelable indéfiniment pour des périodes inchangées de 10 ans.
L’inscription des licences de marque au registre national. Il est désormais possible d’inscrire au registre national les licences existantes ou la volonté d’en proposer, alors qu’auparavant ces dernières n’étaient pas publiées. L’inscription n’a qu’un simple effet déclaratoire, mais la loi permet expressément au titulaire d’une licence exclusive d’introduire une action en contrefaçon d’une marque si, après injonction formelle, le titulaire de celle-ci n’agit pas lui-même dans un délai approprié.[3]
Les procédures et le contentieux. La loi de modernisation introduit de nouvelles actions administratives devant le DPMA. Ceci n’exclut pas les recours devant les tribunaux, toutefois le choix d’une des voies disponibles rend irrecevable toute action ayant le même objet par l’autre voie.
L’opposition. En Allemagne la loi prévoyait déjà qu’une dénomination commerciale puisse être le fondement d’une opposition. La réforme a donc étendu la liste de ces fondements pour inclure les appellations d’origine protégée ou les indications géographiques protégées.[4] Le coût de la procédure a été augmenté (250 €) mais reste moins important qu’en France (400 € / 150 €) ou devant l’EUIPO (320 €). L’Allemagne a également transposé la possibilité d’invoquer plusieurs droits antérieurs dans la même procédure d’opposition[5] et introduit une période de réflexion octroyant deux mois de suspension de la procédure sur demande conjointe des parties, afin de parvenir à une solution amiable.[6]
La déchéance et la nullité. En vigueur depuis le 1er mai 2020, de nouvelles dispositions élargissent les possibilités d’action devant le DPMA[7]. Une procédure administrative de suppression de marque, fondée sur un motif absolu (distinctivité, caractère descriptif etc.), existait déjà devant l’office allemand avant la réforme, mais en cas d’opposition du titulaire, seule la voie judiciaire était permise. Le DPMA est désormais compétent pour traiter les demandes en déchéances et en nullité de marques. La procédure de déchéance reste inchangée, accordant un délai d’opposition de deux mois à compter du dépôt de la demande au titulaire de la marque attaquée qui, à défaut de réaction, voit sa marque déchue et l’enregistrement supprimé. Une redevance de base de 100 € est due pour une demande en déchéance, à laquelle s’ajoute un complément de 300 € en cas d’opposition du titulaire pour lancer la procédure.
Toute personne physique ou morale et toute association de fabricants, de producteurs, de prestataires de services, de commerçants ou de consommateurs peut introduire une procédure en déchéance ou en nullité lorsqu’elle est fondée sur un motif absolu. En revanche, la procédure de nullité fondée sur un motif relatif[8] n’est accessible qu’au titulaire de droits antérieurs et aux personnes habilitées à faire valoir des droits sur une indication géographique protégée ou une appellation d’origine protégée.[9] La procédure de nullité coute 400 € de redevance de base et 100 € par droit antérieur supplémentaire invoqué.
Les nouvelles dispositions relatives à la contrefaçon
La loi de modernisation renforce enfin les droits conférés par la marque en Allemagne. Une contrefaçon est ainsi constituée par l’utilisation litigieuse d’un signe en tant que raison sociale ou nom commercial si un lien suffisant est démontré dans cet usage avec les produits et les services désignés par la marque antérieure[10]. Par ailleurs, concernant les marchandises sous surveillance douanière, le titulaire d’une marque ou d’un nom commercial peut désormais interdire aux tiers le transit de marchandises portant ce signe sur le territoire allemand s’ils n’y sont pas mis en libre circulation.[11] Cependant, si le propriétaire des marchandises parvient à démontrer que le titulaire du signe n’est pas habilité à interdire la mise sur le marché des marchandises dans le pays de destination, son droit s’éteint.[12]
Malgré certaines spécificités et une pratique administrative différente, l’harmonisation des législations nationales en matière de marque sur le modèle de la marque européenne est un bel exemple d’intégration.
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(article paru initiallement dans le numéro 3/2020 du DFJ)
[1] §3 (1) MarkenG [2] Principe de neutralité de l’article 28 (2) de la directive 2015/2436 [3] §30 (3) MarkenG [4] §42 (1) MarkenG [5] §42 (3) MarkenG [6] §42 (4) MarkenG [7] §53, §54 MarkenG [8] §53 (3) MarkenG [9] §9 à §13 MarkenG [10] §14 III (5) MarkenG [11] §14a MarkenG [12] §14a (2) MarkenG
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