Marie-Avril Roux SteinkĂŒhler

18 nov. 20204 Min

đŸ‡«đŸ‡· - #5 ProcĂ©dure d’opposition - les grands changements

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La transposition de la directive sur les marques a entraĂźnĂ© des changements importants dans les procĂ©dures d’opposition en France et en Allemagne.

Selon l’article 43.1 de la directive les États membres prĂ©voient une procĂ©dure administrative rapide et efficace permettant de s’opposer, devant leurs offices, Ă  l’enregistrement d’une marque, il est donc question de rendre la procĂ©dure d’opposition plus simple et plus efficace et d’encourager les parties Ă  parvenir Ă  un accord amiable.

Les nouveaux droits antĂ©rieurs opposables dans une mĂȘme procĂ©dure

L’une des nouveautĂ©s les plus importantes du droit allemand et français des marques est qu’il est dĂ©sormais possible d’invoquer plusieurs droits antĂ©rieurs dans le cadre d’une seule opposition - comme le prĂ©voit l’article 43.2 de la directive, sous rĂ©serve que ces derniers aient le mĂȘme titulaire.

En France, l’article L. 712-4 du Code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle prĂ©voit la liste exhaustive des droits antĂ©rieurs qui peuvent ĂȘtre invoquĂ©s au fondement d’une procĂ©dure d’opposition. La nouveautĂ© est dans l’introduction de la marque de renommĂ©e, la dĂ©nomination ou raison sociale, le nom commercial, l’enseigne, le nom de domaine, les indications gĂ©ographiques, le nom d’une entitĂ© publique et le nom, l’image ou la renommĂ©e d’une collectivitĂ© territoriale ou d’un Ă©tablissement public de coopĂ©ration intercommunale. Une condition supplĂ©mentaire est ajoutĂ©e en droit français et exige logiquement que le droit antĂ©rieur invoquĂ© produise ses effets en France (ce que le droit allemand prĂ©voyait dĂ©jĂ  § 13 (1) MarkenG).

En Allemagne Ă©galement, la liste des droits antĂ©rieurs prĂ©vue Ă  l’article 42 de la loi allemande sur les marques a Ă©tĂ© Ă©tendue dans le cadre des procĂ©dures d’opposition pour inclure les appellations d’origine et les indications gĂ©ographiques protĂ©gĂ©es. Le droit allemand prĂ©voyait dĂ©jĂ  certains fondements comme la dĂ©nomination commerciale avant la rĂ©forme, pourtant, au contraire de la France, l’Allemagne s’est contentĂ©e pour la procĂ©dure d’opposition, d’une transposition Ă  minima des dispositions de la directive.

L’élargissement de la liste des personnes susceptibles d’introduire une opposition

Classiquement, l’opposition est formĂ©e par le titulaire du droit antĂ©rieur, lequel peut ĂȘtre reprĂ©sentĂ© par un mandataire habilitĂ© ou un avocat, mais la rĂ©forme du droit des marques en France et en Allemagne a Ă©largi les possibilitĂ©s d’action.

En Allemagne, l’article 42 de la loi allemande sur les marques (MarkenG) prĂ©voit dĂ©sormais que les personnes habilitĂ©es Ă  invoquer des droits confĂ©rĂ©s par une appellation d’origine protĂ©gĂ©e ou une indication gĂ©ographique protĂ©gĂ©e ayant une anciennetĂ© antĂ©rieure peuvent introduire une opposition.

En France, le paquet marque introduit un nouvel article L. 712-4-1 du Code de propriété intellectuelle précisant la liste des personnes habilitées à introduire une opposition. Cette liste comprend ainsi les titulaires ou personnels habilités des droits antérieurs cités précédemment incluant les indications géographiques, comme en Allemagne, mais ajoutant le titulaire de la marque déposée sans son autorisation au nom de son agent ou de son représentant.

Bien que les deux régimes français et allemands soient trÚs comparables, il est notable que le droit allemand est bien moins détaillé sur le sujet que le code français.

Une procĂ©dure moins chĂšre en Allemagne qu’en France

En France, bien que la redevance pour une procĂ©dure d’opposition reste de 400,00 €, la nouvelle possibilitĂ© d’invoquer des droits antĂ©rieurs supplĂ©mentaire contre le paiement d’une redevance complĂ©mentaire de 150,00 € par droit supplĂ©mentaire invoquĂ© simplifie la procĂ©dure et rĂ©duit les coĂ»ts lĂ  oĂč plusieurs procĂ©dures Ă©taient nĂ©cessaires auparavant. Une seule suffit dĂ©sormais.

En Allemagne, le coĂ»t de la demande a Ă©tĂ© augmentĂ© pour faire face Ă  l’exigence accrue de cette procĂ©dure mais avec 250,00 € de redevance de base et un complĂ©ment de 50,00 € par droit antĂ©rieur supplĂ©mentaire invoquĂ©, il reste bien moins important qu’en France ou pour une marque europĂ©enne.

Les redevances d’opposition sont donc moins importante en Allemagne qu’en France, Ă  la diffĂ©rence des frais d’enregistrement (voir notre article #3 sur l’enregistrement d’une marque).

La simplification du mode de décision en France

En France, la procĂ©dure d’opposition n’est plus enfermĂ©e dans un dĂ©lai fixe de 6 mois et les projets de dĂ©cision ont Ă©tĂ© abandonnĂ©s (l’INPI avait l’habitude de proposer un projet de dĂ©cision aux parties qui, en l’absence de contestation, devenait dĂ©finitif). DĂ©sormais, la procĂ©dure d’opposition en France commence par une phase d’instruction contradictoire Ă  l’issue de laquelle l’INPI statue sur la demande d’opposition et la demande d’enregistrement dans un dĂ©lai de trois mois. Le dĂ©faut de dĂ©cision de l’INPI dans ce dĂ©lais vaut rejet de la demande d’opposition.

Les dĂ©lais de procĂ©dure et l’introduction de la cooling-off period issue du droit europĂ©en

En France, le dĂ©lai pour former opposition est toujours de deux mois suivant la publication de la demande de marque, cependant, l’article R. 712-14 de code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle prĂ©voit un dĂ©lai supplĂ©mentaire d’un mois suivant l’expiration de ce dĂ©lai pour prĂ©senter l’exposĂ© des moyens au soutien de l’opposition. Ce dĂ©lai est donc allongĂ©e Ă  trois mois, Ă  l’instar du systĂšme allemand et europĂ©en.

L’introduction d’une pĂ©riode obligatoire de rĂ©flexion ‘cooling-off’ par l’article 43.3 de la directive n’est pas une nouveautĂ© en France oĂč le code prĂ©voyait dĂ©jĂ  la possibilitĂ© pour les parties de solliciter conjointement la suspension de la procĂ©dure pour une pĂ©riode de six mois. Il est dĂ©sormais possible aux parties de suspendre la procĂ©dure sur demande conjointe des parties pendant une durĂ©e de 4 mois renouvelable deux fois (article R. 712-17 CPI). En Allemagne la procĂ©dure peut ĂȘtre suspendue pour deux mois, ce dĂ©lai peut ĂȘtre prolongĂ© Ă  nouveau par une demande conjointe des parties (§42 (4) MarkenG). En droit europĂ©en des marques, le dĂ©lai de rĂ©flexion a dĂ©jĂ  fait ses preuves, les parties parvenant souvent Ă  une solution Ă  l’amiable par le biais d’un accord de coexistence.